Du voyage à la violence
Et l’histoire des Corses ne se limite pas à la Corse. « Les trois plus grands hommes de l’histoire de l’île, le chef militaire Sampiero (1498-1567), le philosophe et général Pascal Paoli (1725-1807) et Napoléon ont davantage vécu à l’échelle européenne qu’à l’échelle insulaire », rappelle Michel Vergé-Franceschi. Comme eux, des contingents de chefs militaires et de prêtres corses ont parcouru l’Europe au fil des siècles (on dénombrait par exemple 800 prêtres corses à Rome au XVIIe siècle). « Sans doute en raison du manque d’espace, il y a dans l’identité corse les notions de départ et d’ailleurs », relève l’historien. La diaspora corse est aujourd’hui présente de Pise à San Francisco en passant par Livourne, Naples, Barcelone, Londres ou encore Paris.
La décolonisation marque un tournant dans cette histoire de l’identité corse. Fidèles à leur réputation de voyageurs, les insulaires représentaient au XIXe siècle un cinquième des Français dans les colonies. Ils étaient près de 100 000 en Algérie.
Après l’indépendance en 1962, une partie de ces pieds-noirs se réinstallent sur l’île, soutenus par l’État. Certains jeunes corses nourrissent alors une certaine rancœur à l’égard de ces nouveaux producteurs de vin et de mandarines à feuilles dont certains se rendent coupables de fraude, ce qui nuit à l’image des produits corses. C’est la naissance du nationalisme contemporain : le 21 août 1975, un jeune médecin Corse, Edmond Simeoni, occupe avec 12 hommes armés de fusils de chasse une cave viticole appartenant à un pied-noir reconnu coupable d’escroquerie.